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Le 23 novembre 1974, Werner Herzog entreprend le voyage à pied de Munich à Paris afin de rejoindre son amie et mentor Lotte Eisner, gravement malade. 

50 ans plus tard, Bruno Geslin, Clément Bertani et Guilhem Logerot empruntent ce même chemin, dans les pas du cinéaste.

22.11.23 MUNICH

"home is  where my cinema is" écrit en lettres écarlates

sur le fronton d'un cinema à la périphérie de Munich.

C'est de bon augure.

22.11.23 MUNICH

avons croisé dans le métro un adolescent de 17 ans, parfait sosie de Werner Herzog au même âge. Au matin premiers flocons.

23.11.23
date miroir.
Départ 5h30 au 3 rue Elisabeth Str. Pension dans laquelle Herzog a grandi et rencontré pour la première fois Klaus Kinski.

23.11.23
SMS de Guilhem à 7:57
PUCHHEIM-ORT

Relisant le premier jour du livre. L’itinéraire google maps depuis Elisabeth Str. Jusqu’à Alling correspond presque exactement au trajet que Herzog fait !
Passer Pasing ça va commencer à être bien. L’auberge dans laquelle il boit des bières est à Puchheim-Ort. Et l’étang à côté duquel il rentre dans une maison par effraction pour dormir est en face de moi…
Courage pour cette première étape. En partant d’Elisabeth Str. On a rajouté 2h (il part en fait de Pasing).
Appelez-moi quand vous voulez. Et si des vols de corbeaux passent au dessus de vos têtes, refusez de leur donner ce qu’ils veulent, ne les regardez pas. Et aussi attention en passant à côté du champ qui s’appelle La Mort, vous le croiserez.
À plus tard.

23.11.23
SMS de Guilhem à 9:24
PUCHHEIM-ORT

Pas Puchheim, Puchheim-Ort.
C’est là qu’il parle du pont sur l’autoroute et de la route qui mène à Augsburg,qu’il est dans l’auberge. Mais je crois qu’à son époque c’est pas encore une voie rapide comme maintenant entre Puchheim-Ort et Alling, donc je crois, prenez plutôt celle qui relie Germering et Alling.
Si vous me cherchez je suis au Friedhof d’Alling, là où il y a La Chapelle et les deux cyprès qui l’ont effrayé.

24.11.23

"À chaque mouvement, je prends des précautions d'animal, et je crois bien que j'ai aussi des pensées animales.
La vapeur froide des champs éventrés se dissipe. Un train. Rouge.
La nuit à été assez longue, mais j'ai eu assez chaud. Dehors, de gros nuages se pourchassent, la tempête menace, tout est gris. Dieu, que les champs sont lourds de pluie !
Pluie-gresil, gresil-pluie, pluie-gresil.
Partir.
Je maudis la création. À quoi bon tout ça ?
Je suis tellement mouillé.
Ce que marcher peut faire mal."

Werner herzog

24.11.23
De Landgasthof Hief-Schmal, St.-Nikolaus-Ring 2, 82269 Geltendorf, Allemagne à Schwabmünchen, 86830, Allemagne via Mühlweg

5 h 9 min (23 km)

25.11.23
SMS de Guilhem à 14:50
PESTENACKER

« Ce matin nous étions chez Barbara Hief à Hausen, et je tombe tout de suite sur ce passage d’Herzog parlant d’une femme qu’il voit quand il passe : « Elle travaillait à quatre pattes derrière la maison. Derrière, des gens… les siens. » (…)
«A Pestenacker les gens me paraissent irréels. »
Peut-être que vous croiserez Ursula et Tom qui vivent le long de la route principale au croisement de deux autres routes, devant le mémorial, avec un mât de Bavière dans le jardin. Première générosité chez eux aussi.

Je me rappelle d’avoir noter cela du premier jour de marche d’Herzog : « Je ne tiendrais tout cela pour vrai que si c’était un film. »
Je ne sais pas où vous êtes maintenant, peut-être bien à Pestenacker. Ou Beuerbach.
Ça va ? Le temps a l’air agréable.
À tout à l’heure »

27.11.23

MATZENHOFEN

Message de Guilhem à 10:19

Passage sublime de PEER GYNT lu ce matin après votre départ. Signe du hasard. Mais il n'y a pas de hasard. Je vous embrasse.

"Je note que d'année en année, je perds le sens du temps et de l'espace. (S'assoit contre un arbre) Il fait frais à se reposer ici en étendant les jambes. Mais il est écrit : Contrains ta nature ! Et encore : Il faut courber l'orgueil ! Et qui s'abaisse, il sera élevé. (inquiet) Elevé ? C'est ça, c'est ce qui va se passer pour moi... impossible d'envisager autre chose. Le destin m'aidera à partir de ce pays et il fera en sorte que je réussisse. Ceci est une épreuve. Quel désert immense et sans limites... En fait, que faut il penser de l'intention de Dieu quand il créa tout ce vide, cette mort. Quand il créa ceci, qui souffre de l'absence de toute source de vie. Ce sol calciné qui ne profite à personne. Cette fraction du monde qui reste en friche, ce cadavre qui jamais, depuis qu'il fut créé, n'a rien apporté à son Créateur, ne serait-ce qu'un remerciement... pourquoi exista t-il ?... La nature est prodigue... Est-ce une mer, là, à l'est, cette chose qui scintille, vacille, étincelle ? Impossible."

PEER GYNT

29.11.23
VOLKERTSHEIM
"Laupheim. Buffet de la gare : j'ai acheté un journal local. Je n'ai plus aucune idée de ce qui se passe dans le monde. J'ai ainsi la confirmation que nous sommes mercredi, ce que je m'étais dit au jugé. Untersulmetingen. Puis, à travers bois. Une forêt silencieuse, dont le sol mouillé de neige était jonché de feuilles de trèfle vertes. Alors que je chiais, un lièvre est passé à portée de main et ne m'a même pas regardé. Je me suis mis de l'alcool camphré sur la cuisse gauche, qui me fait mal jusqu'à l'aine, à chaque pas. Pourquoi la marche estelle si douloureuse ? Je m'encourage moi même, parce que personne ne m'encourage. Bockighofen — Sontheim — Volkertsheim. À Sontheim, un policier a fait une drôle de tête en me voyant, et m'a demandé mes papiers. La nuit ne sera pas facile, l'endroit est hostile. Industrie, odeurs de purin, de fourrage ensilé, de fumier de vaches. "
Werner Herzog

30.11.23
OBERMARCHTAL
Les lents tourbillons du fleuve passaient à coté de moi, suivant un destin lointain. Derrière moi, les oiseaux se chamaillaient dans la forêt. Rien ne séchera plus correctement, les chaussures, les vêtements. Tout le cuir moisit, les montres électriques sont arrêtées. (...)Les feuilles de la forêt brillaient et gouttaient, et de très grands poissons franchissaient parfois la surface indolente du fleuve, avec un bruit de ventouse, laissant derrière eux des cercles tellement grands, s'élargissant à la surface de l'eau, qu'on aurait dit qu'un reptile préhistorique avait plongé. Il y a par moments quelque chose qui ressemble à la paix de l'âme, lorsque la pluie cesse et que peu à peu rien ne goutte plus des arbres. Un scarabée d'une taille épouvantable s'est avancé vers moi. Les scies à moteur exécutaient au loin dans la foret une mission que j'ignore.